Octobre 2018 à Janvier 2019

Publié le par Michel Mourlet

(Première publication in NRU n° 55)

Octobre (suite)

L’effet inverse. L’augmentation de fréquence des agressions commises dans la rue contre les homosexuels ‒ décrite par les journalistes de la Voix de son Maître comme un fait brut dont aucune cause n’est avancée ‒ est la conséquence directe et combien prévisible de la politique, à la fois répressive (anti-homophobe) et promotionnelle, menée depuis quelques années en leur faveur. Jamais dans ma jeunesse on n’assista à ce type d’agression, qu’entraînent à l’évidence des comportements provocateurs encouragés par la loi. Une tolérance tacite, générale, fondée sur la discrétion (maxime arabe, paraît-il : « Les volets fermés, fais ce que tu veux dans ta chambre ») autorisait socialement l’homosexualité, à la condition expresse qu’elle ne fût ni ostentatoire, ni présentée comme « normale » par un moralisme dévoyé ‒ à l’œuvre en particulier dans nos fictions audiovisuelles ‒ pour en imprégner un public conçu comme une variété d’éponge. Or un légalisme dirigé contre un sentiment ancré dans l’espèce, appuyé sur la logique naturelle ‒ qui n’est pas seulement de l’homme, on devrait s’en douter, puisque elle structure l’univers ‒ est en soi une violence qui ne peut qu’engendrer la violence.

Je me souviens d’avoir repris dans Instants critiques un article de 2009 commentant la montée du racisme en France, article que j’avais intitulé « La loi de l’effet inverse ». Une loi apparemment inconnue des psycho-sociologues et des « princes qui nous gouvernent », quoique certains manipulateurs en usent volontiers. Dans ma jeunesse, on ne violait pas non plus les tombes pour des questions de race ou de religion. L’arsenal de persuasion sophistique et de contraintes légales de plus en plus éloigné du sens commun que les gouvernements mettent en place avec la complicité hébétée des médias s’accompagnera inéluctablement d’une élévation de la courbe de violence – jusqu’à une explosion finale qui pourra s’exprimer soit dans les urnes, soit dans la rue ; de celles qu’on nomme « révolutions ».

Maupassant au Nord-Ouest. J’apprends avec un bonheur mêlé de surprise la programmation par le Théâtre du Nord-Ouest, jusqu’au 6 janvier, d’une « Intégrale Maupassant ». Bonheur, car l’œuvre dramatique, fort mince, du filleul littéraire de Flaubert est peu connue ; surprise, car parmi les cinq ou six pièces qu’elle comporte, il en est une : À La Feuille de Rose, maison turque, qu’il semble malaisé de jouer en public, sauf après l’avoir, comme on dit dans le langage des correcteurs et des censeurs, caviardée copieusement ; auquel cas il n’en resterait plus grand-chose. Il s’agit en effet d’un vaudeville porno-scatologique, sorte d’Hôtel du Libre-Échange sorti du cerveau canaille d’un Feydeau saisi par la débauche et condamné au second rayon, non loin de Gamiani ou deux nuits d’excès et de Titine et son oncle. Tout s’éclaire à la lecture du programme. Il semble que la farce – qui dépeint les femmes avec une grande simplicité : « très polissonnes, très cochonnes », soit lue et non représentée, ce qui la range plutôt dans les curiosa que dans les incitations à la main au panier. Parmi les artistes rassemblés par l’homme le plus extraordinairement dévoué à la cause théâtrale que l’on connaisse : Jean-Luc Jeener, autour des œuvres scéniques ou non de notre conteur, j’ai le très grand plaisir de retrouver Bérengère Dautun et Jean-Paul Tribout : Sarlat, son festival, son foie gras et son petit rosé de Bergerac ; la Comédie-Française, Montherlant, Pierre Dux... Une cascade scintillante de souvenirs. Le Théâtre est une grande famille.

Suffrage universel. À l’époque de Périclès, les législateurs de la république athénienne plaçaient très haut la notion de suffrage, à telle enseigne qu’ils n’avaient pas déposé le droit de vote en n’importe quelles mains. Ils pensaient qu’un vote, qui contribue à une décision de nature à orienter la vie de la Cité, est un instrument dangereux, à manier avec précaution. Selon eux, il devait émaner d’un citoyen chargé d’expérience et de savoir, capable de réflexion politique, ayant apporté la preuve de son comportement civique, et attachée par un lien indissoluble, un lien d’amour, en un mot : de naissance, à l’histoire, à la terre, aux traditions, aux intérêts de sa patrie. Certes, aucune de ces dispositions, sauf la filiation par le sang, ne pouvait être établie de manière infaillible, surtout la justesse des vues politiques, manière de don comme l’aptitude à créer des formes ou la maîtrise du raisonnement algébrique, à quoi une intelligence même puissante et déliée notoirement ne suffit pas. L’Histoire regorge de talents considérables qui en politique se sont toujours trompés. Mais enfin les législateurs d’Athènes avaient compris que le suffrage des citoyens en aucun cas ne pouvait être « universel », sous peine de se voir transformé hors de toute compétence en un jeu de hasard, penchant d’un côté ou d’un autre par un simple effet d’arithmétique, d’humeur, de bourrage d’urne ou de crâne, de météorologie. Je rappelle à ce propos qu’André Gide, qui ne passe pas pour un fieffé réactionnaire, refusait d’utiliser son droit de vote car il n’admettait pas que dans une consultation électorale la voix de sa concierge pesât du même poids que la sienne. (Dans un texte sur l’abstentionnisme, Merleau-Ponty a commenté le point de vue de Gide avec, on s’en doute, beaucoup de circonspection !)

Il n’est pas contradictoire d’estimer nécessaire la prise en compte du « sentiment profond » du peuple sur les questions fondamentales de vie et de société ‒ ma note sur « l’effet inverse » ‒ et de constater l’inaptitude fréquente dudit peuple à effectuer les opérations d’analyse et de synthèse indispensables à la compréhension d’un enjeu politique ; par exemple : quel candidat l’électeur devra-t-il choisir pour obtenir une réponse satisfaisante aux questions vitales, telles que famille, sécurité, santé, travail ? Ici, ce n’est plus la conscience collective enracinée qui est sollicitée, mais l’individu : sa connaissance claire et aussi complète que possible du passé, sa lucidité sur lui-même, son expérience de la nature humaine, sa pratique raisonnée de l’action. Déjà les trois derniers critères circonscrivent à peu près l’âge de l’électeur compétent : avant vingt-cinq ans, nulle chance, même pour un surdoué précoce, de posséder les outils indispensables à une réflexion politique fondée et personnelle. C’est dire combien les paramètres du suffrage universel, toujours plus universel, de nos « démocraties » modernes ne sont qu’un alibi démagogique, les décisions sérieuses étant prises ailleurs ; raison pour laquelle les électeurs obtiennent généralement le contraire de ce qu’ils espéraient de leurs candidats.

Je n’aurais pu rêver preuve plus appropriée du peu de valeur accordé de nos jours par nos élites au suffrage populaire que son extension aux handicapés mentaux sous tutelle, annoncée avec un extraordinaire cynisme aux ruminants du pâturage télévisuel, sous les espèces d’un progrès de la morale « citoyenne ». Comme les élites sus-désignées ne méprisent pas moins le sens et la mission dévolus par toutes les sociétés humaines à l’institution du mariage ‒ elles l’ont manifesté clairement en légalisant l’union entre individus du même sexe ‒, leur conclusion en faveur du mariage des handicapés mentaux là aussi ne s’est pas fait attendre, d’autant que plus la masse transmettra de fragilité, plus on la gouvernera aisément.

Concernant les handicapés sous tutelle, amalgamés avec les handicapés physiques pour faciliter l’emballage, il reste pourtant une question en suspens : celle de la libre disposition de leurs biens. Il semblerait que si, pour leur plus grand bénéfice, on leur consent des droits civiques et matrimoniaux, le moindre des égards exigerait de leur donner également la possibilité de faire ce qu’ils veulent de leurs possessions matérielles. Là, j’entends les élites tousser discrètement. Le droit de vote, le mariage, joujoux pour amuser la galerie, oui, trois fois oui ! Mais la seule vraie valeur, inaliénable, de notre vidéo-société, la seule qui compte, que l’on compte et sur quoi l’on compte, le seul dieu que l’on adore à genoux : l’Argent ? Non mais dites donc ! L’abandonner à des mains aussi incertaines ! Vous ne seriez pas atteint d’Alzheimer, par hasard ?

Novembre

Le bréviaire de François Kasbi. La religion littéraire, comme on le sait, promet le paradis à ses plus zélés serviteurs, à d’autres un séjour plus ou moins prolongé au purgatoire. Pour des motifs assez analogues à ceux de la théologie traditionnelle, certains qui ne sont pourtant pas les pires se voient condamnés à l’enfer des bibliothèques. Tout comme l’Église chrétienne, l’Église littéraire compte un clergé dévoué, des prélats ambitieux, des abbés de Cour, des imposteurs, des martyrs et des saints. Un détail cependant, jusqu’à une époque récente, marquait une différence : ses prêtres ne disposaient d’aucun livre de piété quotidienne. Ils cheminaient dans la rue, prenaient le métro, marchaient de long en large dans les salles d’attente, les mains dans les poches. Enfin, Kasbi vint.

Ce critique-écrivain et lecteur boulimique nous offrit en 2008 un premier Bréviaire capricieux de littérature contemporaine pour lecteurs déconcertés, désorientés, désemparés, suivi de suppléments en 2011 et 2016. Après le vif succès, auprès des connaisseurs, de son anthologie Matulu, Journal rebelle, les Éditions de Paris-Max Chaleil publient une nouvelle édition augmentée (près de six cents pages en tout) de son maître ouvrage, que lesdits connaisseurs ont d’ores et déjà placé parmi leurs livres de chevet.

Qu’est-ce qu’un critique-écrivain ? C’est un critique qui, lorsqu’il parle d’un livre, a quelque chose à dire de plus que son résumé ; et le dit d’une voix singulière, qui séduit et qu’on reconnaît. Cela s’appelle le style, un gros mot, presque une obscénité, que la plupart des gendelettres n’osent plus prononcer. Cette épice légère, aérienne, pour ne pas dire céleste, est en effet ce qui manque le plus aux indigestes mirotons servis par des pédants de collège dans les cantines de la Culture.

Certes, le vaste éventail – tant de littérature française qu’étrangère ‒ ouvert par Kasbi accueille quelques choix bizarres ou qui laissent dubitatif, et que je soupçonne de lui avoir été dictés sous la pression d’une actualité ou d’une mode plutôt que par un goût profond. Mais, alors même que spontanément on s’écarte de l’œuvre en cause, la vivacité et l’élégance de sa présentation dans le Bréviaire finiraient (presque) par nous en rapprocher ! Si ce n’est pas cela la bonne critique, j’entends la critique active, alors qu’est-ce ?

Symbolique des couleurs. L’attribution symbolique de la couleur jonquille aux victimes d’une trahison amoureuse est d’origine obscure, en dépit d’explications historiques trop lointaines et floues pour convaincre. Or il semble que l’Histoire en train de se faire ait décidé de rendre la chose plus claire en matérialisant le symbole sur des gilets. Le gilet romantique de Théophile Gautier, palpitant d’espérances, craquant de révoltes, porté par l’esprit de conquête, rutilait « comme la muleta d’un torero ». Les gilets macroniques sont jaunes. Teinte bilieuse s’il en est.

Rappelez-vous l’exultation de la foule au soir de la présidentielle : elle hurlait sa joie, sautillait sur place, agitait des milliers de petits drapeaux. On a scrupule à se citer soi-même ; je m’y trouve contraint cependant par le cours des événements. Avant l’élection de M. Micromacron, et en prévision tant de l’issue du scrutin que de son inéluctable suite, j’avais offert à mes lecteurs (« Journal critique », avril 2017) la primeur d’une information sensationnelle : la découverte d’un chromosome non encore répertorié dans le génome de nos concitoyens. Le « chromosome du cocu », exception génétique nationale, et toutes les conséquences qui en découlent ayant produit le résultat escompté, comment s’étonner qu’une colère d’époux cornu de frais se soit emparée d’un grand nombre d’électeurs ? Verts de rage, les béjaunes se sont sentis bernés comme des bleus par un blanc-bec, le jeune fondé de pouvoir du consortium Bruxelles-Berlin-Washington, triangle des Bermudes de notre souveraineté monétaire, économique, politique, juridique et militaire. Cette souveraineté que le Général avait posée comme condition nécessaire et préalable à l’être même de la France.

Décembre

De Burma à Maigret. Les Éditions Auda Isarn de Toulouse s’étaient déjà signalées à notre attention en publiant Philippe d’Hugues, mémoire vive du cinéma français, et Chemins de Damas et d’ailleurs, journal intime en vers et en prose de Michel Marmin. Elles réitèrent avec ce dernier. Où Nestor Burma rencontre l’Aristo est une confrontation inattendue entre Léo Malet, l’auteur bien connu de la série des « Nestor Burma » et André Héléna, souvent réédité (notamment par E/dite au début du siècle) mais demeuré dans l’ombre jusqu’à ces dernières années, où un commencement de reconnaissance de son œuvre semble s’amorcer. Tous deux sont considérés comme les pères du roman noir français, lequel, selon l’avis autorisé de Marmin, a peu à voir avec son homonyme américain. Lecteur très occasionnel de l’un comme de l’autre, je souscris sans réserve à cette opinion, tout comme à l’apologie de Guy Marchand, interprète archétype de Burma à la télévision : « ce qu’Humphrey Bogart a été à Philip Marlowe ».

En revanche, et quittant Nestor Burma pour m’attarder un instant sur cette épineuse question de l’interprète idéal, je suis très loin de donner comme Michel Marmin la préférence à Jean Richard dans le rôle de Maigret. Si le prétendu natif de Champignol dame aisément le pion à l’excellent Albert Préjean, que la nervosité de son jeu agitait à contre-emploi, si Gabin, de son côté, faisait un peu trop le Gabin pour faire du Simenon, il ne me semble pas que la rondeur bonhomme, voire guillerette, de Jean Richard correspondît non plus à la concentration pesante, silencieuse, du commissaire à l’affut, dans ces atmosphères de brouillard et de crime, de lumières vacillantes sous la pluie nocturne où se déploient les virtualités les plus glauques de l’âme humaine. Pierre Renoir s’en approchait. Le petit dernier, l’Anglais Atkinson, en impose une image sinistre assez juste mais un brin caricaturale. Le plus puissant des Maigret, c’est-à-dire, outre la force intrinsèque de l’acteur, le plus fidèle à la neutralité grise de l’univers simenonien, reste pour moi Bruno Cremer.

Janvier 2019

Ennio Morricone. Les entretiens du célèbre musicien de cinéma avec le jeune compositeur Alessandro De Rosa, parus chez Séguier il y a quelques semaines sous le titre Ma Musique, ma Vie, et que je viens de feuilleter, pourraient fournir un aliment de choix à de nombreux mélomanes. Je songe en particulier aux hédonistes découragés par une certaine musique atonale et sérielle, dite « contemporaine », bien que son origine remonte à plus d’un siècle ; de celles, disait Cocteau, qu’on écoute la tête dans les mains. Elle ne leur apporte aucun plaisir, puisqu’elle a substitué à la mathématique innée de l’oreille – identifiée depuis les pythagoriciens jusqu’à Ernest Ansermet en passant par l’immense Rameau – des « séries » de sons arbitrairement codées d’où l’harmonie et la mélodie sont exclues.

Or, face aux problèmes posés par l’accompagnement musical d’un spectacle, on s’aperçoit que la situation de l’auditeur est radicalement modifiée. Ce n’est plus à un désir harmonique universel (qui fait que pour améliorer la santé des plantes ou le lait des vaches on leur diffuse Mozart plutôt que Boucourechliev  !) que s’adresse alors le compositeur, mais à la perception d’un surcroît de dramatisation apporté par le couplage image-son dont le contenu sonore, destiné à illustrer et soutenir le flux d’images, fonctionne par chocs, silences bruts, affects inarticulés de violence ou d’apaisement, démantèlement des rythmes, pléonasme ou contraste. En d’autres termes, toutes voies d’expérimentation liées ou non au courant de Darmstadt – et assimilées par Morricone. Le spectacle, en particulier le cinéma, mais aussi la fiction radiophonique, peuvent associer les incompatibles. Incompatibles selon Ansermet et notre oreille spontanée...

Les Maux de la langue : détour par l’onomastique. Parmi toutes les tares : complexe d’infériorité, lâcheté maquillée en « réalisme », désir masochiste de flagellation et d’humiliations diverses, soumission confortable à l’adversaire ou à l’ennemi, goût pervers de la trahison, bonne volonté des idiots, parmi donc toutes ces bonnes choses dont de bons apôtres en France, docteurs en moralité publique, garnissent leur fonds de commerce florissant depuis l’évêque Cauchon, il en est une, inaperçue parce que minuscule, révélatrice uniquement aux yeux des amants et des moines-soldats de notre langue ; l’abandon progressif de la francisation des noms de formation allogène ‒ personne ou lieu ‒ au bénéfice de leur graphie d’origine.

Cette sorte d’évolution (« fréquente et normale », diraient les linguistes capitulards déployant leur drapeau blanc) commence souvent par un snobisme d’écervelés qui se piquent de parler une langue étrangère. Je me rappelle les crises de fou rire provoquées chez certains germanistes de mes amis par les premières occurrences (dans les années 70-80) de « Iohann Sebastiann Bârhhh » sur les ondes de France Musique. Le ou les promoteurs de cette mirobolante avancée linguistique continuant d’ailleurs de prononcer imperturbablement « Mozart » à la française. Puis Nietzsche, de Frédéric est passé à Friedrich, et enfin, couronnement de l’opération menée en sourdine, la presse écrite a rejeté « Mao Tsé-toung » au profit de « Mao Zedong », qui ne doit guère équivaloir davantage à l’original. Cette équivalence ne présentant d’ailleurs, soulignons-le, pas plus d’intérêt que d’écrire « Petrarca » à la place de « Pétrarque ». Mais elle offre aux yeux des Cauchons un atout décisif : la dilution de notre encombrante identité dans un pidgin international. L’abandon, au profit de leur graphie d’origine, des noms propres « naturalisés », sous couvert de reconnaître l’identité de l’« autre » (car l’ « autre », au contraire de nous, possède un droit imprescriptible à la revendication identitaire) est l’un des moyens dûment répertoriés de détacher de son sol l’individu sous contrôle, baudruche vouée à flotter dans le nuage numérique.

Volet le plus symptomatique de cette affaire : la toponymie. Les Terminators façon Schwarzenegger de noms de lieu à la française s’attaquent d’abord judicieusement à ceux qui n’appartiennent pas à notre pratique journalière. On n’a pas encore substitué Milano à Milan ni San Sebastian à Saint-Sébastien ? Patience ! Cela viendra. Les Français ont bien digéré sans difficulté l’introduction dans leur presse politique de la région baptisée en anglais Middle East, soit « Moyen-Orient », eux qui avaient toujours connu et combien pratiqué le Proche-Orient, l’Orient et l’Extrême-Orient. Et que dois-je penser de l’Arabie séoudite de mon enfance, devenue, grâce aux recopieurs pisse-copie des dépêches d’agence anglo-américaines, « saoudite », comiquement prononcé avec un bel « a » à la française ? Faudra-t-il dans les livres d’histoire – à moins que ce ne soit déjà fait ‒ évacuer le roi Ibn Séoud et le rebaptiser Ibn Saoud ? Aux Jeux olympiques de 2012, des blablateurs sportifs à tête de sansonnet ont tenté l’adjectif « bélarusse », hybride burlesque du belarussian anglais et du « biélorusse » français, mais cela n’a pas très bien marché et, au moins provisoirement, on est revenu au vocable français usuel. Dans un précédent numéro, j’avais évoqué le sort douteux de Maastricht, cette ville que nous appelions Maëstricht quand notre D’Artagnan y a exhalé le dernier soupir ; forme attestée en français depuis le XIIe siècle jusqu’en 1992, annus horribilis, non point tant à cause des déboires de la famille royale d’outre-Manche qu’en raison d’un funeste traité. Nous n’allons plus tarder, si l’Eurostar et Air France ne sont pas en grève, à passer une fin de semaine à London.

 

 

 

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